Deux créatures se promenaient dans une forêt. Je ne me souviens plus de
leurs espèces respectives, de leurs âges, de leurs genres ; si elles
étaient identiques ou si des différences les séparaient, ni lesquelles.
Je sais juste qu'elles étaient deux, et elles se promenaient dans une
forêt. Elles allaient sur le sentier, côte à côte, en se parlant. Elles
devisaient, philosophaient, argumentaient, se disputaient parfois,
peut-être.
Surgit alors une flaque de boue. Trouvant la farce
excellente, une des créatures y poussa l'autre. Il s'avéra alors que la
flaque était une véritable mare, car le poussé y coula profondément et
seule sa tête en dépassa encore. Cela fit beaucoup rire le pousseur de
voir son compagnon de voyage en si fâcheuse posture. Et quand ce dernier
commença à exprimer son mécontentement, ses rires fusèrent encore de
plus belle : ils étaient deux, et il était le seul à être encore sec et
propre. C'était hilarant à ses yeux.
Bien entendu, l'embourbé le
prit assez mal. Voyant à quel point ce farceur se moquait de lui, il
sortit ses bras de la boue et les secoua d'avant en arrière pour
l'asperger. Cela le fit rire encore plus. En retour, toujours ricanant,
il ramassa des pierres sur le chemin et les jeta en direction de la tête
de son infortuné camarade. Deux ou trois fois, il me sembla même qu'il
la toucha.
Ce petit manège dura un moment, l'un se battant avec de
la boue et l'autre avec de la pierre, le premier englué dans un trou et
le deuxième bien au sec. Les éclats de rires et les plaintes agressives
s'entremêlaient dans le conflit, s'opposaient et s'unissaient dans ce
tumulte. Vint le temps où, perdant patience, le poussé proposa au
pousseur de l'aider à sortir de là. Ce dernier y réfléchit un peu, et
malgré l'absence de sympathie dans la requête de son compagnon, décida
que le jeu avait assez duré. Il tendit sa main, et l'embourbé la saisit.
Tant bien que mal, il grimpa en dehors du piège. C'était profond,
glissant, gluant, instable, aussi cela fut long et difficile. Mais avec
l'aide de son camarade, il finit par poser un pied en dehors du trou.
Avant même de prendre le temps d'en sortir le deuxième, il attrapa alors
vivement le farceur par la nuque et lui plongea la tête dans cette eau
croupie.
Il se débattit, bien sûr, car il manqua très vite d'air,
mais son compère devait être plus fort, car il maintint sa prise tout du
long. Bientôt, le pousseur se secoua dans tous les sens, dans une
tentative désespérée de se libérer de l'étreinte. Mais cela fut vain.
Rapidement, ses mouvements brusques ne furent plus que des soubresauts,
puis s'arrêtèrent complètement.
Ne prenant pas même la peine de
ressortir la tête de sa victime de la boue, le bourreau se releva alors
entièrement, debout à côté du trou où il fut poussé. Il s'enleva tant
bien que mal la boue collante et, sans un regard en arrière, reprit seul
le chemin là où il l'avait arrêté.
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